<Tribune Libre>

Mémoires des années 80, par Frederic

Pendant les années 1983 –87  le grand type récupéra plusieurs DS. C’était une période charnière ou certaines personnes ne s’intéressaient plus du tout à leur  DS tandis que d’autres commençaient à s’intéresser à la leur. Ce qui lui permit de faire ce que nous pourrions appeler des affaires. A propos d'affaires il lui est arrivé de vendre une DS par téléphone sans même l’avoir vu en une demi-journée. Il avait toujours un ou deux acheteurs sous le coude, à cette époque il y avait une demande réelle pour des DS et une certaine facilité à s'en procurer faut dire qu’il avait une confiance totale dans son "rabatteur" qui lui, avait quand même vu la voiture.

Il récupéra et démonta ainsi plusieurs voitures, rien de tel comme école pour apprendre la mécanique. Il avait cintré une barre de remorquage qui passait juste dans la prise d’air de la jupe avant puis après avoir démonté le conduit d’air du radiateur  venait prendre appui sur la traverse avant. Une  manille suffisamment grosse pour faire le tour de cette dernière et le tour était joué. Dès qu’on lui parlait de pièces ou de voiture à récupérer, il chargeait sa caisse à outils sa meule et une rallonge et partait pour des rencontres avec des gens qui n’arrivaient pas toujours  à retenir leur émoi quand leur voiture partait.

Quelques fois il trouvait la panne et n’avait pas besoin de la barre. Fallait voir la tête des gens qui lui avait vendu  la voiture.

Une fois même il fit l’erreur de trouver trop rapidement la panne qui avait immobilisée l’ID. Il crut qu’il ne repartirait pas avec  l’auto car la fille du propriétaire était en train de faire fléchir son père pour qu‘il ne vende plus.

Bien sur le grand type resta très fair-play  mais fit quand même remarquer :

 « Que ce genre de voiture demandait quand  même un certain entretien  plus ou moins coûteux. De plus, si le papy avait acheté une autre voiture c’est que celle-ci ne correspondait plus à ses besoins. »

« Et encore on n’a pas parlé du  prix de l’essence, ma brave dame, bien sur tout augmente même le niveau des mers. Etc.etc.» 

Il partit quand même avec l’ID en  promettant au papy  qu’il ne démonterait pas sa voiture.

Il tint sa promesse et revendit l’auto complète.

Quand  la panne n’était pas hydraulique il mettait la voiture remorquée en quatrième vitesse. Le moteur tournait, la pompe aussi, le circuit chargeait, de par le fait il avait de la suspension et du frein. Non  sans avoir enlevé au préalable le doigt d‘allumeur. Car une fois un D Super a redémarré au moment où il fallait freiner. L’alternateur en tournant  avait suffisamment rechargé la batterie pour que le moteur se remette en route.

Le D Super faisait des bons vers l’avant. Il crut pendant un moment qu’il allait doubler la voiture qui le tirait. Il remit la voiture au point mort  puis tout rentra dans l’ordre. Il  décida avec le collègue qui le tirait d’enlever la barre et de laisser  rentrer  le D Super dignement par ses propres  moyens. «  Mais que fait la police ?

Et l‘assurance ?!!

Entre temps il fit la connaissance d’un fermier du centre de la France qui lui dit à peu près ceci :

« Ouais ! J’ai des voitures, il y a même plusieurs  DS ! Pas de problème tu viens chez moi, tu récupères ce que tu veux. »

Fallait pas lui tenir ce genre de discours au grand. Le week-end suivant il se fit prêter une camionnette et il partit dès le vendredi soir. Ce qui lui permit d’être à pied d’œuvre  le samedi matin. Quand il arriva sur le terrain de l’agriculteur il n’en cru pas ses yeux. Il y avait des épaves disséminées sur toute l’exploitation, partout où il avait une place de libre il y avait une voiture, il y avait aussi des camions, des machines agricole, de la ferraille et puis des DS.» Sur une DS de 1961 environ  il récupéra tout l’intérieur qui avait été remis en état par un sellier non conforme à l’origine mais d’une classe folle et en bon état. Il était en train  de charger des pièces quand son œil fut attiré par quelque chose de chromé par terre. Il alla voir de plus près et tomba sur la pièce en inox du haut de baie arrière d’une DS. Il la dégagea de la terre et constata que dessous il y avait d’autres pièces. Et voilà notre ami changé en archéologue du week-end car il avait trouvé entre autre, une calandre de traction. Calandre qui ferait une jolie décoration dans son garage. Il se mit donc à la déterrer. Cela faisait déjà un moment qu’il grattait la terre avec précaution, à l’aide d’un tournevis pour ne pas abîmer plus la calandre. Soudain il sentit un souffle chaud sur son front. Il leva la tête pour voir et se retrouva nez à nez avec une vache qui le regarda avec des yeux immenses. Il ne l’avait pas entendu venir, complètement absorbé qu’il était par son ouvrage. Il fit un bon en arrière et la vache aussi. Lequel des deux fut le plus surpris ? Je crois bien que c’est lui.

Remise de ses émotions  la vache retourna à ses occupations et lui aux siennes. Il finit par sortir la calandre de sa prison terreuse. Non sans une certaine jubilation car la traction représente quand même un rêve pour lui. Il en a possédé une  pendant un certain temps. Il avait réussi à la remettre en route mais jamais il ne put décoller  l’embrayage. Faute de place pour une restauration dans les règles, il dut s’en débarrasser.

Plus tard dans la journée le fermier vint le voir et le grand lui dit qu’il aimerait bien récupérer les moyeux avant sur cette autre DS. Mais il  y avait un problème. Il n’arrivait pas à desserrer les écrous des bêtes à cornes, il avait bien une meule pour les couper  mais  pas de rallonge électrique qui faisait  huit cent mètres. Le fermier  lui dit de ne pas s’inquiéter, qu’il allait lui résoudre son problème. Il revint bientôt avec un poste autogène. Comme le fermier n’était pas du genre à s’embêter  avec les conventions  il attaqua de couper le bras supérieur côté gauche. Le grand, au préalable avait démonté sur cette voiture le correcteur de hauteur et du liquide rouge avait coulé abondamment. Et ce qui devait arriver arriva le LHS 2 s’enflamma. Comme le grand tient à ses yeux il ne regardait pas, le fermier avec ses lunettes de soudeur ne voyait rien mais compris rapidement car son pied était en train de chauffer. Je ne sais pas s’il vous est déjà arrivé ce genre de mésaventure ? Mais comment éteindre un feu sous une voiture en plein champ, au cœur de l’été avec des outils de mécanicien en guise d’extincteur ? Le premier réflexe du grand fut de piétiner le feu mais le liquide rouge en feu se colla à sa chaussure. Il recula en frappant le sol dans l’espoir d’éteindre sa chaussure et s’aperçut qu’à chaque fois il avait allumé des petits foyers dans l’herbe sèche.

Heureusement ils furent rapidement maîtrisés. Mais restait toujours le feu sous la voiture. Il prit un marteau et un tournevis puis gratta le sol sec jusqu’à avoir suffisamment de terre pour étouffer le feu. C’est le moment de le dire ils ont eu chaud. Le reste du week-end se passa à démonter les autos  comme on fait son marché :

« Elle est belle ma pompe, elle est belle!! »

« Tiens je prendrais bien ça. Et pourquoi pas ça non plus ? »          

« Les portières je vous les emballes ?

« Non non c’est pour poser de suite. »

Tant et si bien qu’il dut faire plusieurs allers retours. Il eut  pendant un temps un tel stock qu’il se demanda s’il ne devrait pas en faire sa profession.

Maintenant voici une petite recette pour apprendre rapidement l’hydraulique.

D’abord trouver une ID 19 de mille neuf cent soixante-quatre, vert bouteille avec un intérieur gris souris ou gris éléphant comme quoi les extrêmes se rejoignent, Une fois l’échange fait apprendre que l’ancien propriétaire, jeune possesseur de la voiture a fit un complément de liquide LHM vert minéral dans un réservoir noir donc contenant du liquide synthétique. Ce qui eut pour effet de fabriquer une sorte de liquide visqueux et pas du tout fluide. Ensuite prendre une bonne dose de  patience et démonter absolument toutes les pièces hydraulique du réservoir jusqu’aux raccords tournants.

Les pièces seront ouvertes nettoyées et abondamment rincées à l’alcool à brûler.

Prendre une seringue pleine d’alcool remplir les canalisations puis les souffler à l’air comprimé. Si ça ce n’est pas de la formation accélérée je ne m’y connais pas. Ensuite, vendre la voiture avec comme argument principale de vente : circuit hydraulique garanti sans aucune fuite. Puisque tous les joints avaient été changés.

Par contre une partie de son stock de joints y passa. Lui qui pendant  un certain temps avait écumé, tous les garages et succursales Citroën et autres station-service  qui se trouvaient sur sa route à la recherche des précieux joints, de liquide rouge ou de toutes autres pièces qui pouvaient trainer sur une étagère.

Car pendant longtemps les seules réponses que le grand type eut des succursales auxquelles il demandait si il leur restait de la marchandise fut.  « Non, nous n’avons plus rien, nous avons tout jeté il n’y a pas si longtemps si vous avez besoin de pièces voyez dans les casses. » ou alors des réponses du style:

« Ben! Ouais!! Tout est dans le broyeur  vous arrivez trop tard. »

Sauf un garagiste de la région de Nevers qui réactualisa tous ses prix  après un savant calcul que lui seul compris, pour remettre les pièces au cours du jour. Ce qui donnait un cardan à quatre mille francs. On était bien loin des affaires du genre:

«-Combien pour le lot ?

  -Mille

  -D’accord, topes-là ! »

Celui-là pensait tenir le pigeon de parisien à qui on pouvait vendre n’importe quoi et cher. Dommage que le grand ne conclut pas l’affaire car il avait un stock de pièces neuves très intéressantes. Ces dernières ont dues finir à la benne comme beaucoup de pièces sur ordre de la maison mère. 

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